Après avoir mis en scène le méconnu et très moyen Onegin (1999), la cinéaste Martha Fiennes, soeur de l'acteur britannique Ralph Fiennes (Harry Potter et la coupe de feu), signe un second long métrage remarquable qui démontre toute l'ampleur de son talent qu'elle n'était pas, jusque là, parvenu à révéler. A partir d'un scénario, qui se rapproche dans sa narration et sa profondeur de l'Oscarisé Collision, Chromophobia se présente comme une oeuvre bouleversante qui marque littéralement le spectateur et qui témoigne des nombreuses interrogations de la réalisatrice, également scénariste de cette oeuvre. En dépeignant le quotidien d'une dizaine de personnages qui sont tous, de près ou de loin, amenés à se rencontrer, Martha Fiennes tente de définir les relations qui unissent les humains. Tous décrits avec une certaine complexité, beaucoup de sensibilité et une véritable profondeur psychologique, les personnages de ce film choral bénéficient chacun d'une attention particulière et reflètent avec une justesse incroyable les individus de la société contemporenne, aussi bien londonienne, à savoir celle observée dans le film, que toute autre société que se soit de l'Europe ou des Etats Unis. Une fois de plus comparable à Collision, Chromophobia s'apparente, en effet, à une analyse de la société actuelle, notamment du point de vue de la sphère la plus riche, et dans une moindre mesure des couches sociales inférieures. Outre l'individualisme inévitable de toute société moderne, Martha Fiennes se plonge dans la vie de quelques londoniens pour, tout d'abord, dénoncer la but que se fixe presque chaque individu, celui de subsister dans la société moderne et de parcourir le chemin du succès en écartant toute humanité, toute relation amicale ou amoureuse seine ou simplement toute honnêteté. D'autre part, cette description de l'individu dans la société de nos jours témoigne surtout de phobies qui atteignent l'affect de chacun et qui s'expriment par des peurs diverses mais réelles, telles celle de la solitude, ou de l'impression d'être inexistant et de sembler absent aux yeux des autres. Chromophobia semble ainsi à l'image du comportement humain et le décrit avec brutalité et émotion : L'humain ne peut vivre seul, et sans attache, ni soutien, ou sans contact, ni le reflet de soi en quelqu'un, le désespoir se creuse, l'humanité s'enfuie et la morosité ainsi que l'amertume demeurent. Les personnages des plus complexes et particulièrement bouleversants font de Chromophobia une oeuvre poignante, juste et pertinente qui descend jusque dans les méandres de l'humanité. Brillamment mis en scène de façon très naturelle et très sobre, Martha Fiennes accroît encore l'émotion grâce à l'image, très proche du documentaire, qui parvient à restituer une impression de réalisme total et d'immersion dans le monde existant. Minutieusement dirigé, le casting impressionnant éblouit le spectateur tant les prestations des comédiens se dévoilent magistrales. Alors que Kristin Scott Thomas (La doublure) transmet une émotion sincère et profonde au spectateur, Penélope Cruz (Vanilla sky) le foudroie catégoriquement tant elle se montre extraordinaire dans la peau d'une prostituée désemparée. Rhys Ifans (Terre Neuve) apporte, lui, de la douceur et de l'humanité à ce film, tandis que Ian Holm (Le Jour d'après) et Damian Lewis (Keane) représentent son antagonisme mesuré, mais surtout dénué de manichéisme et non dépourvu d'émotion. Chromophobia se situe donc dans la lignée des films indépendants passionnants, bouleversants et marquants, qui baignent dans une ambiance dramatique, et qui sont accompagnées par des musiques mélancoliques magnifiques.
Théo, le 10 septembre 2006.
Films-Romance-x3, Posté le vendredi 03 octobre 2008 13:48
Sympa comme film